«Prélude au Sommet de Québec?»

Le Soleil coiffait ainsi une photo de la une de son édition du 27 septembre montrant la ville de Prague secouée par «des affrontements violents». En page B11, on nous apprenait que «L'antimondialisation fait 100 blessés à Prague» (encore un titre dont ce journal a le secret). Une fois de plus, Le Soleil jette de l'huile sur le feu et entretient le climat de suspicion à l'égard de tous les empêcheurs de négocier secrètement en rond en prédisant une flambée de violence à Québec et en imputant directement la responsabilité des actes de violence à l'«antimondialisation» (?). Au moins, il aurait pu faire d'autres parallèles entre la réunion du FMI et de la Banque mondiale et le Sommet des Amériques de 2001.

Par exemple, à Prague, à Québec et ailleurs, c'est un même fort mouvement d'opposition qui tente de se faire entendre et se mobilise contre des processus de négociation et même des institutions qu'il juge illégitimes et dangereux pour le bien-être de l'humanité. À Prague, l'Initiative contre la mondialisation économique (INPEG), la coalition qui a coordonné la majeure partie des actions de contestation non violentes, a vu ses efforts minés par des groupes violents, dont des casseurs qui se sont livrés à des actes de vandalisme. À Québec également, comme semblent l'espérer les médias, des groupes violents risquent de se présenter sur les lieux des manifestations et des actions de désobéissance civile. OQP 2001 devra vraisemblablement composer avec eux durant le Sommet des Amériques et donc réaffirmer sans cesse son adhésion inconditionnelle aux principes de la non-violence et se dissocier des actes violents.

Car il ne faut pas oublier que ce sont ces actes violents qui servent de prétexte à la répression policière. À Prague comme à Québec, les autorités préfèrent opter pour la manière forte afin que les participants aux rencontres internationales puissent négocier secrètement en paix. À Prague, les droits fondamentaux des citoyens ont été bafoués par l'interdiction formelle de toute manifestation pendant la durée de la réunion. Plus de 800 personnes de divers pays ont été emprisonnées et plusieurs affirment avoir été torturées (prague.indymedia.org). À Québec, une partie de la ville sera carrément barricadée et des citoyens devront porter une accréditation pour accéder à leur domicile. Outre le droit à la libre circulation qui est retiré aux citoyens le temps d'un sommet, avons-nous des garanties qui nous permettent d'espérer qu'il n'y aura pas de répression policière abusive, d'arrestations arbitraires ou même de torture?

À Prague comme à Québec, les participants aux actions de contestation sont appuyés par des réseaux de solidarité internationaux et par une part croissante de l'opinion publique. À Prague, suite aux importantes manifestations qui ont entouré l'ouverture officielle de la réunion, en réponse à la répression policière et au non-respect des droits fondamentaux des citoyens, un mouvement international d'appui aux manifestants s'est mis en branle. Des manifestations ont été organisées dans plusieurs villes, des lettres de protestation sont envoyées au président Vaclav Havel, des pétitions circulent, pour dénoncer l'attitude des autorités tchèques. À Québec, nous pourrons compter sur ces mêmes réseaux de solidarité. En plus des groupes et des individus qui viendront du même entier, nous savons déjà que des représentants de l'Alliance sociale continentale, avec ses cinq réseaux nationaux de base, participeront aux actions de contestation. Surtout, nous savons que les citoyens du monde entier auront le regard tourné vers Québec du 20 au 22 avril 2001 et qu'ils sauront, le moment venu, juger les décisions des «mondialiseurs» et les actions de ceux qui les protègent.

Finalement, à Prague comme à Québec, rappelons que les médias de masse, par leur fonction de médiation, jouent un rôle central dans la définition de l'image qu'aura la population du vaste mouvement international d'opposition à la mondialisation néolibérale. Ils peuvent avoir une grande influence à court et à long terme sur la compréhension des enjeux par la population et sur la mobilisation de cette dernière. À Prague, d'après le porte-parole de l'INPEG (www.ainfos.ca), les médias ont appuyé à 100% la répression policière. À Québec, quelle sera leur attitude? D'ici avril 2001, continueront-ils de ne voir dans le mouvement de contestation dans lequel s'insère OQP 2001 qu'une menace à l'ordre public (et à l'ordre établi) ou oseront-ils laisser place au véritable débat sur les enjeux du projet de création de la Zone de libre-échange des Amériques et sur les conséquences de la mondialisation néolibérale?

Patrice Breton
Membre d'OQP 2001
29 septembre 2000